Thiron-Gardais

L'abbaye de la Sainte Trinité

Mythe et réalité se conjuguent pour faire de Thiron un haut lieu de spiritualité d'où essaimèrent plus d'une dizaine d'abbayes et plus d'une centaine de prieurés en France en Ecosse et en Angleterre. Ce rayonnement fut tel qu'on parlait de l'Ordre de Thiron.

Au XIIème siècle, recherchant un endroit propice à la méditation et à la prière, St Bernard de Ponthieu se fixa, avec quelques disciples, près de l'étang de Ste Anne et choisit "ce lieu absolument abandonné et dénué de toute chose nécessaire à la vie" pour fonder son monastère. Bernard souhaitait revenir à la stricte observance de la Règle de St Benoît. Cependant, très vite, son esprit de dépouillement et de pauvreté absolus porta ombrage aux moines de St Denis de Nogent qui se perdirent en tracasseries contre lui. Fort heureusement, la protection du célèbre Yves de Chartres et de Rotrou III lui permit d'obtenir un nouveau domaine (charte de fondation de 1114) : commença alors la construction de l'église du monastère dont nous voyons aujourd'hui la longue nef romane. Grâce à la réputation de sainteté de Bernard de Thiron, l'abbaye fut soutenue par les Grands de l'époque tels que Henri 1er d'Angleterre ou Louis VI le Gros ; très vite, elle connut la prospérité et l'expansion. En 1145, quatorze abbayes et quatre-vingt-six prieurés lui sont rattachés. Hélas, le temps et les années passèrent et apportèrent heurts et malheurs : la guerre de Cent Ans puis les guerres de Religion, enfin la mise en commende de l'abbaye signifièrent incendies, pillages, mise à sac et aussi relâchement et déclin. Au début du XVIIème siècle, une remise en ordre s'imposait : c'est pourquoi, en 1629, Henri de Bourbon, le nouvel abbé commendataire, fit venir à Thiron les bénédictins de la Congrégation de St Maur pour y fonder un collège. Cette nouvelle affectation entraîna de nombreux remaniements et la construction de bâtiments adaptés. Un siècle plus tard, en 1751, le collège est habilité à servir d'école préparatoire à l'école militaire de Paris. Le jeune Napoléon y serait rentré si son père n'avait pas jugé que c'était "envoyer là son fils dans un pays perdu au milieu des bois et sans relation avec les vivants".

Pendant la Révolution, l'abbaye fut de nouveau pillée et incendiée ; bien que l'église fut rendue au culte dès 1795, le cloître et les bâtiments conventuels servirent de carrière de pierre pour la construction des maisons du bourg. Si de nos jours seule l'église témoigne de cette longue histoire, l'empreinte des moines est partout inscrite dans la nature et se lit encore dans la pierre. Tout ici respire le passé à tel point que le visiteur ne s'étonnerait nullement d'entendre sonner les vêpres ou matines.

L'église

L'église abbatiale est classée Monument Historique. Construite en grès noir et en moellon, elle se présente comme une vaste nef de 64 m de long sur 12 m de large, le magnifique chœur gothique flamboyant élevé au XVème siècle s'étant effondré en 1817. Trois fenêtres ont donc été percées sur la façade est pour l'éclairer. Les verrières qui furent placées sont de facture moderne, réalisées par un maître verrier de Chartres suivant les techniques anciennes. A l'opposé, la façade ouest présente, au-dessous des deux fenêtres obturées et garnies de minces colonnes à chapiteaux, un portail en calcaire blanc à deux archivoltes, fermés par une porte cloutée sur laquelle peut se lire la date de 1618. Le clocher quant à lui date de la transformation de l'abbaye en collège. On a substitué alors au discret toit de tuiles à quatre pans qui le coiffait le lourd dôme d'ardoise que l'on voit actuellement.

Quelques dates :

- 1114 : Fondation de l'abbaye bénédictine de Thiron par St Bernard de Ponthieu.

- XIIème siècle : Construction de l'église du monastère : long vaisseau roman sans bas-côtés, mais avec transept. Au sud, énorme tour trapue.

- XIIIème siècle : Jean II de Chartres fait construire une grande partie des bâtiments du monastère, notamment le chapitre.

- 1428 : Thomas de Montaigu, comte de Salisbury, général en chef des troupes anglaises allant mettre le siège à Orléans, incendie l'abbaye.

- Guillaume de Grimault (1431-1453), puis son neveu, Léonnet de Grimault (1453-1498), restaurent en grande partie l'abbaye et élèvent à leurs frais un magnifique chœur gothique flamboyant.

- 1562 : Pillage du couvent par 3000 cavaliers allemands à la solde des Huguenots.

- 1591 : Nouveau pillage par des Suisses à la solde de Henri de Navarre. C'est Henri II de Bourbon, fils naturel de Henri IV, qui est nommé abbé.

- 1629 : Réforme de la congrégation de St Maur. Création du Collège Militaire et transformation générale : le bras nord du transept sert de chapitre, le bras sud est aménagé en cuisines, réfectoire et chambres.

- 1782 : Le bénéfice de l'abbaye de Thiron est rattaché à la cure de St Louis de Versailles.

-1786 : Incendie qui détruit la bibliothèque.

- 1791 : Fermeture de l'abbaye ; bien national acquis par Etienne Taule qui démolit ce qui restait de l'abbaye.

- 1802-1817 : L'aile occidentale du collège s'effondre. Le plomb qui recouvrait les voûtes ayant disparu à la Révolution, les basses voûtes s'effondrent aussi en 1804 et 1805 ; enfin le chœur s'abat le 10 février 1817.

- 1982 : réfection complète du sommet du clocher.

L'école militaire

Même après la réforme de la congrégation de St Maur, l'abbaye de Thiron périclite. Les fidèles bien moins généreux que jadis, les libéralités des princes moins évidentes, amènent à l'idée de fonder dans cette immense abbaye un collège.

Louis XIV lui accorda le titre d'Ecole Royale Militaire, en fait une école de cadets avec le droit d'y envoyer un certain nombre de soldats invalides à côté d'élèves ordinaires internes ou externes. A la fin du XVIIIème siècle, on comptait plus de 150 élèves pensionnaires sur un total de plusieurs centaines d'élèves. Napoléon Bonaparte obtint une bourse pour l'école de Thiron mais fit ses études à celle de Brienne.

Le collège se composait de deux quadrilatères. Le premier, adossé à l'église, comporte une belle maison bourgeoise avec une aile qui servait de logement aux professeurs civils, avec chambres pour les élèves dans les combles, le bras sud du transept effondré en 1801 qui comportait les cuisines et le réfectoire, le bâtiment qui fait face à la maison servant de classes. Le second quadrilatère, ou basse-cour, prolongeait le premier avec les logements des domestiques et des remises.

La Chapelle St Jacques

A l'occasion des Rogations, le curé de Gardais était autorisé à dire la messe au maître autel de l'église abbatiale. En 1762, l'abbé de Thiron s'y opposa. Litige porté devant l'évêque de Chartres : il donna au curé de Gardais l'autorisation d'édifier une chapelle appelée "Croix St Jacques".